Le regard
Tout passe
par le regard. Si vous suivez mon blogue depuis ses débuts, c’est-à-dire depuis
trois ans, vous savez que je suis fasciné par les regards (1). Ce n’est pas pour rien
que mon testament spirituel se nomme : Les
Yeux de l’Amour (2). Dans mon testament
spirituel, je dis dès le début que la scène évangélique qui m’impressionne le
plus, c’est le regard que Jésus posa sur Pierre, immédiatement après que ce
dernier l’eut renié trois fois (voir
l’évangile de Luc, chapitre 22, verset 61). Je dis aussi que si j’étais
peintre, c’est la scène biblique que j’aimerais peindre. Or, en ce moment même
(ces jours-ci), une amie et
paroissienne, madame Anne Marie Forest est en train de faire cette peinture
pour moi. Quelle grâce! Anne Marie est très talentueuse et très spirituelle. Je
ne pouvais trouver meilleure artiste pour exécuter un des rêves de ma vie. Et
le Seigneur a conduit Anne Marie à moi, comme ça, sans bruit et dans la plus entière
discrétion. À pareille époque, l’an dernier, je devais trouver une remplaçante
pour coordonner la catéchèse des enfants de notre paroisse. Je n’ai fait qu’une
seule entrevue à cet effet : celle d’Anne Marie qui désirait l’emploi.
Depuis ce temps, Anne Marie est devenue paroissienne et voici qu’elle met son
grand talent au service des Yeux de
l’Amour, au service du regard de Jésus. Si jamais en lisant ces lignes,
vous aviez l’inspiration de faire une prière pour que l’Esprit Saint guide le
cœur, les mains et les yeux d’Anne Marie, qui peint pour moi ces jours-ci, je vous en serais éternellement reconnaissant.
Grâce à
une paroissienne qui, elle aussi, est fascinée par les regards, j’ai découvert
aujourd’hui un très beau texte sur ce sujet, un texte écrit par un Salésien qui vit en Afrique; le voici :
« L’Évangile
souligne que tout se joue et se situe dans la manière de regarder. « Il y
a voir et voir. Dieu pose sur nous un regard d’amour qui ne juge pas et ne
condamne pas. Tel est le regard de Jésus. Parce qu’il regarde l’homme avec
amour, avec son cœur, son regard est capable de susciter la vie, de faire naître
l’amour et de récréer l’homme. Il a suffi d’un regard d’amour pour que la Samaritaine
reconnaisse son péché et que, de son cœur desséché, jaillisse le désir de Dieu,
l’eau vive qui fait d’elle l’apôtre de son village (Jn 4, 1-42). Il a suffi
d’un regard d’amour pour que Zachée, bouleversé dans son cœur, s’ouvre au
partage et à l’espérance (Lc 19, 1-10). Il a suffi d’un regard d’amour pour que
la femme adultère reçoive la lumière qui la relève, la libère du péché et de sa
honte (Jn 8, 1-11). Il a suffi d’un regard d’amour pour que Marie-Madeleine
renaisse à la tendresse et à l’amour vrai (Lc 7, 36-50). Il a suffi d’un regard
pour que l’aveugle-né prenne sa vie en mains (Jn 9, 1-41). Il a suffit d’un
regard pour que les disciples quittent tout et suivent Jésus (Jn 1, 35-48). Il
a suffi d’un regard d’amour pour que Marie, Mère de Jésus devienne Mère de
l’Église (Jn 19, 26-27). Il a suffi d’un regard pour que Pierre ose à nouveau
dire au Seigneur : « Tu sais tout, tu sais que je t’aime » (Jn 21, 15-19). Parce
que Jésus regarde avec son cœur, il voit ce que personne ne peut voir. Dans la
piécette de la veuve, il a reconnu la générosité d’un cœur qui aime Dieu plus
que tout (Lc 21, 1-4). Dans le parfum de Marie-Madeleine, dans son geste de
tendresse, il a saisi et pris la défense d’un grand amour (Lc 7, 36-49).
Le regard est la
fenêtre du cœur. Par lui le cœur voit, s’éprend, s’émeut, s’ouvre ou se ferme.
Le regard est premier et décisif. Il est créateur de vie ou destructeur
d’espérance. Tout peut exister par un seul regard comme tout peut être détruit.
Le regard est important. En hébreu, le même mot signifie le regard et la
source. Le regard est la source de l’homme. Jésus dira : « L’œil est la lampe
du corps » (Lc 11, 34), c'est-à-dire la source de la lumière. Par ce regard,
l’homme se remplit de beauté ou de laideur, d’amour ou de haine. Le regard est
vraiment une source pour l’homme et, par lui, l’homme peut être une source pour
les autres.
Par le regard, nous
avons le pouvoir de devenir « entrailles de mère » qui donnent la vie ou la
refusent, la font naître ou avorter. Nous accueillons l’autre et le laissons
entrer en nous par le regard avant même que nous lui avons ouvert les bras. Le
prêtre et le Lévite ont vu l’homme étendu à terre avec le regard de la loi. Le
Samaritain l’a vu avec le regard de la miséricorde, avec, dans son cœur, le
regard de Dieu. Le miracle de la miséricorde s’est alors produit (Lc 10,
29-37). Se faire le prochain de Dieu ou de l’homme, c’est l’accueillir en notre
cœur et avec notre cœur par le regard, un regard éclairé par l’Esprit jailli du
cœur du Christ. Regarder avec le cœur, c’est découvrir en l’homme cet «
essentiel invisible aux yeux », cette part de beauté, de noble, de pur, de bon
qu’il y a en chaque être malgré des apparences contraires. C’est voir l’homme
d’abord, et non son péché ou sa faiblesse. Regarder avec le cœur, c’est voir en
chacun ce qu’il a de meilleur, ce en quoi il est « à l’image de Dieu ». Regard
de miséricorde, né de l’amour, celui-ci est porteur de vie, créateur de vie, de
joie et d’espérance. Il est capable de faire exister ce qui n’était pas et de
donner vie à ce qui était mort.
Un petit conte
d’Henri Nouwen, théologien hollandais, illustre admirablement ce que le regard
du cœur est capable de réaliser. « Un jour, écrit-il, un sculpteur était en
train de travailler un grand bloc de marbre. Un enfant le regardait et voyait
des morceaux qui tombaient par terre. Ne comprenant pas, il s’en va. Au bout de
quelques semaines, il repasse chez le sculpteur. Et voilà qu’à la place du bloc
de marbre il aperçoit la statue d’un superbe lion. Tout surpris, il demande au
sculpteur : comment as-tu su qu’il y avait un lion dans le marbre ? Parce que
mon cœur savait qu’il y était, répondit le sculpteur ». N’est-ce pas le regard
de Jésus ? Regarder l’autre avec le cœur comme le sculpteur, c’est lui
permettre d’exister, c’est faire apparaître ce qu’il y a de meilleur en lui. En
chacun de nous, en chaque homme, il y a un « lion », une « merveille » à
découvrir ou à faire naître. Dieu sait dans son cœur qu’en tout homme, il y a
un fils. Saurons-nous, en regardant cet homme, y reconnaître un frère à aimer
et à faire exister selon l’admirable parabole de ce rabbin qui, pour mettre à
l’épreuve ses disciples, leur posa un jour cette question : « - À votre avis, à
quoi peut-on distinguer le jour de la nuit ? Comment peut-on reconnaître le
moment où la nuit s’achève et où le jour commence ? – C’est dit l’un, quand on
peut distinguer un chien d’un mouton. – Non ! dit le rabbin. – C’est, enchaîna
un autre, quand on peut reconnaître la différence entre un figuier et un
dattier. – Non ! dit le rabbin. – C’est peut être, se hasarda un troisième,
quand on peut, à distance, différencier un homme d’une femme ? – Pas du tout !
répondit le rabbin. Puis il ajouta après un long moment de silence : Tant que
tu n’as pas encore reconnu dans le visage de tout homme un frère à aimer, il
fait encore nuit dans ton cœur. » (Grégoire Marie KIFUAYI, sdb, tiré de: Le regard poétique de Don Bosco - Salésiens de Don Bosco ...)
(1) Dieu ma joie: Jésus fixa son regard sur lui et l'aima (Mc 10, 21)
(1) Dieu ma joie: Jésus fixa son regard sur lui et l'aima (Mc 10, 21)
(2) Les Yeux de l'Amour - YouTube | |
www.youtube.com/watch?v=C4hTSQkji7o8 nov. 2012 - 15 min -
Ajouté par Guy Simard Ma seule raison de vivre est que j'ai un jour rencontré les Yeux de l'Amour, comme dans un ... |
Magnifique... quel regard d'enfant de Dieu... J'aime beaucoup votre texte... Merci.
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