jeudi 17 mars 2016

La prière nous fait gagner du temps

La prière nous fait gagner du temps
 
Pourquoi prions-nous? Quel est le but recherché dans la prière? À cela, on peut donner diverses réponses. Nous prions pour aimer; nous prions pour penser comme Dieu pense; nous prions pour avoir l’amour nécessaire pour accomplir la Volonté de Dieu. Ces premières réponses sont selon moi quelques unes des « vraies réponses », pour ainsi dire, car elles vont à l’essentiel. Mais tout acte humain ayant une finalité, a aussi des « effets secondaires », des « effets collatéraux ». La prière produit en nous des effets tels que la paix, la joie, la sérénité, la patience. Je ne pense pas qu’on doive prier d’abord pour les effets collatéraux, mais il est bon que ces effets viennent aussi avec la prière, en priant.

Voici un autre effet « collatéral » à la prière, qui ne devrait pas être recherché pour lui-même, mais qui se passe réellement lorsqu’on prie régulièrement: la prière nous fait gagner du temps. Voilà, selon moi un grand mystère. Comment se fait-il que le fait de donner du temps prolongé à Dieu, nous aide par la suite à exécuter davantage de tâches? Cela est tellement mystérieux, que l’être humain a beaucoup de difficulté à admettre cette vérité. Humainement parlant, je sais que si je passe du temps à faire quelque chose, cela m’enlève du temps pour faire autre chose. Or il n’en est pas ainsi avec la prière. Le temps donné à la prière fait en sorte que j’utiliserai mieux mon temps durant le reste de la journée. Dire que la prière nous fait "gagner du temps", est une façon de parler qui veut d’abord étonner et surprendre. Mais à proprement parler, cela n'est pas exact. De fait, nous n’aurons pas plus de temps durant le reste de la journée, mais nous emploierons mieux ce temps et, par conséquent, nous serons plus efficaces. C’est un peu, il me semble, comme pour la sieste de 15 minutes qui est presque devenue obligatoire en certains endroits du Japon dans les édifices à bureau. On s’est rendu compte que ces 15 minutes qui semblent perdues, sont très productives. Les gens qui font une courte sieste après le repas, sont beaucoup plus productifs que ceux qui n’en font pas. Cette comparaison n’est pas la meilleure qui soit, j’en conviens, mais elle fait un peu comprendre ce que je veux dire.

Heureuses les personnes qui ont assez de foi pour croire que le temps donné à Dieu gratuitement (surtout selon moi, dans une prière de contemplation, d’adoration eucharistique ou de méditation) leur sera comme redonné au centuple. Il faut d’abord avoir assez de foi pour l’essayer. Et l’expérience prouvera que c’est bel et bien vrai. Cette expérience, des milliers et des milliers de personnes l’ont vécue et éprouvée. Voici, ci-dessous, ce qu’a dit à ce sujet le Père Raniero Cantalamessa, en ce mois de mars 2016, lors de la troisième prédication du Carême, qu’il a donné à la Curie romaine. Le thème dont je viens de parler, se retrouve surtout dans ce que j’ai nommé la PREMIÈRE PARTIE. De fait, dans sa prédication, le Père Cantalamessa a d’abord développé ce que j’ai mis dans la DEUXIÈME PARTIE. C’est moi qui ai inversé l’ordre qu’avait choisi le Père Cantalamessa. Je trouvais qu’on inversant ces deux parties, l’idée maîtresse devenait plus claire et plus lumineuse. Les paragraphes cités ci-dessous ne sont d'ailleurs qu'une partie de la prédication du Père Cantalamessa donnée ce jour-là.   

PREMIÈRE PARTIE :

"Pour savoir comment obtenir l’Esprit Saint en nous pour évangéliser, c’est simple. Il suffit de voir comment Jésus l’avait obtenu et comment l’Église l’obtint le jour de la Pentecôte. Luc décrit l’événement du baptême de Jésus en ces termes: « Comme tout le peuple se faisait baptiser et qu’après avoir été baptisé lui aussi, Jésus priait, le ciel s’ouvrit, et l’Esprit Saint descendit sur lui. » (Lc 3,21-22). C’est la prière de Jésus qui a ouvert le ciel et fait descendre l’Esprit Saint. Et ce fut la même chose pour les apôtres. L’Esprit Saint, à la pentecôte, vint sur eux quand « tous, d’un même cœur, étaient assidus à la prière » (Ac 1,14).
Les efforts que nous mettons dans ce nouvel engagement missionnaire ont face à eux deux risques à éviter. L’un c’est l’inertie, la paresse, ne rien faire et laisser les autres faire. L’autre c’est se lancer dans un activisme humain fébrile et vide, pour au final perdre peu à peu le contact avec la parole et la source de son efficacité. Ça serait courir à l’échec. Plus le volume des activités augmente plus le volume de la prière doit augmenté, en intensité si non en quantité. On réagit: c’est absurde; le temps est ce qu’il est! D’accord, mais celui qui a multiplié les pains, ne saura-t-il pas multiplier aussi le temps? Du reste, Dieu fait cela continuellement et nous en faisons chaque jour l’expérience. Après avoir prié, on fait les mêmes choses en y mettant moins de la moitié du temps ».
On dit aussi: Mais comment peut-on rester prier tranquillement, comment ne pas courir, quand la maison brûle? C’est vrai aussi. Mais imaginez la scène: une équipe de sapeurs-pompiers a reçu un appel urgent et se précipite, toutes sirènes dehors, sur les lieux de l’incendie; mais, arrivée sur place, ils s’aperçoivent qu’il n’y a plus une goutte d’eau dans les réservoirs. C’est pareil pour nous, quand nous courons prêcher sans prier. Ce n’est pas qu’on ne trouve plus les mots ; au contraire, moins on prie plus on parle, mais ce sont des paroles vides, qui ne touchent personne.
DEUXIÈME PARTIE :
Si l’évangélisation est un engagement à la portée de tous, essayons de voir quels sont les critères et les conditions pour devenir d’authentiques évangélisateurs. La première condition, Dieu nous la suggère en disant à Abraham: « Quitte ton pays et va » (cf. Gn 12, 1). Il ne saurait en effet y avoir de mission ou d’envoi sans sortir. Nous parlons souvent d’une Eglise «  qui sort ». Mais il faut avoir conscience que la première porte dès laquelle il faut sortir n’est pas celle de l’Eglise, de la communauté, d’une institution, d’une sacristie, mais celle de notre «  moi ». Le pape François, un jour, l’a bien expliqué: « Sortir, disait-il, signifie avant tout sortir du centre pour laisser à Dieu la place qui lui revient ». «  Décentre-nous de nous-mêmes et recentre-nous sur le Christ », dirait Teilhard de Chardin.
Plus fort encore que le cri lancé à Abraham, est le cri lancé par Jésus quand il demande à quelqu’un de collaborer avec lui à l’annonce du Royaume: « Pars, sors de toi-même, renie-toi! Ta vie changera, mon visage deviendra le tien. Car ce n’est plus toi qui vit, mais moi en toi ». C’est la seule façon d’arriver à bout de ce fourmillement de jalousies, convoitises, peur de perdre la face, rancœur, ressentiments, situations d’antipathie dont regorge le cœur du vieil homme; pour être «  habités » par l’Évangile et répandre son parfum.
La Bible nous offre une image qui renferme plus de vérité que n’importe quel traité sur la pastorale de l’annonce: le récit du livre mangé qu’on lit dans Ézéchiel:
« Alors j’ai vu : une main tendue vers moi, tenant un livre en forme de rouleau. Elle le déroula devant moi ; ce rouleau était écrit au-dedans et au-dehors, rempli de lamentations, plaintes et clameurs. Et il me dit : « « Fils d’homme, ce qui est devant toi, mange-le, mange ce rouleau ! Puis, va ! Parle à la maison d’Israël. ». J’ouvris la bouche, il me fit manger le rouleau et il me dit : « Fils d’homme, remplis ton ventre, rassasie tes entrailles avec ce rouleau que je te donne. » Je le mangeai, et dans ma bouche il fut doux comme du miel. (Ez 2, 9 – 3, 3; cf. aussi Ap. 10, 2).
Il y a une différence énorme entre la parole de Dieu, simplement étudiée et proclamée, et la parole de Dieu d’abord «  mangée » puis assimilée. Dans le premier cas on dit d’un prédicateur qu’il «  parle comme un livre » ; mais ce n’est pas la bonne façon pour arriver au cœur des gens, car n’y arrive que ce qui part du cœur. « Cor ad cor loquitur », était la devise du bienheureux cardinal Newman.
En reprenant l’image d’Ézéchiel, l’auteur de l’Apocalypse apporte une variante, petite mais très significative. Il dit que le livre mangé était, oui, doux comme du miel dans sa bouche, mais amer comme le fiel dans les entrailles (cf. Ap. 10, 10). Oui, car avant de blesser les auditeurs, la parole doit blesser l’annonceur, lui montrer son péché et le pousser à se convertir.
Ce n’est pas le travail d’un jour Mais il y a une chose que l’on peut faire en un jour, aujourd’hui même: accepter cette perspective, prendre la décision irrévocable, de ne plus vivre pour nous-mêmes, mais pour le Seigneur (cf. Rm 14, 7-9). Cela demande à l’homme des efforts d’ascèse mais pas seulement car intervient aussi la grâce, fruit de l’Esprit Saint. Comme dit la Prière eucharistique IV dans la liturgie : « Afin que notre vie ne soit plus à nous-mêmes, mais à lui qui est mort et ressuscité pour nous, il a envoyé d’auprès de toi l’Esprit Saint, comme premier don fait aux croyants »." (1)
Réaction d’une de mes paroissiennes:

Cher Père Guy,

Merci pour votre dernier blogue!

Que de fois, j'ai constaté que les journées où je consacre plus de temps à la prière silencieuse et à l'adoration, j'ai plus de temps! Mystérieux, mais VRAI. La pratique de la concentration et du silence nous aide à nous "ramasser" intérieurement. Quand le calme est là, on est plus productif parce que plus en harmonie avec la Vie qui nous habite et respire en nous. Que de fois, les gens m'ont dit: "Comment arrives-tu à faire autant de choses?". Je n'ai jamais osé dire: "parce que Dieu multiplie mon temps…" Peut-être que maintenant, c'est ce que je dirai.

Les prédications du Carême de Cantalamessa sont des programmes de vie et elles rejoignent l'esprit des CPÉ. Elles reprennent aussi des grandes parties de son livre: "Ta Parole me fait vivre". J'ai reconnu, en particulier, son chapitre "L'Esprit Saint, force de l'annonce". J'apprécie encore plus ce livre.

J'aime bien la nuance entre Ézéchiel et l'Apocalypse "avant de blesser les auditeurs, la parole doit blesser l'annonceur". Une autre invitation à m'approcher plus souvent du sacrement de la Réconciliation.

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