dimanche 21 septembre 2014

21 septembre 1953: Le pape François et saint Matthieu

21 septembre 1953 : Le pape François et saint Matthieu



En ce 21 septembre 2014, je vous propose une méditation sur un des événements les plus importants de la vie de notre pape actuel. Le pape François a vécu une conversion grâce au regard que Jésus a posé sur lui un jour. Le Saint-Père nous a parlé souvent du moment le plus important de sa vie, en tant que croyant. Cela s’est passé le 21 septembre 1953, alors que le jeune Jorge Mario Bergoglio avait dix-sept ans. Le 21 septembre, nous fêtons en Église l’apôtre saint Matthieu. Un jour, Jésus vit un homme nommé Lévi (qui deviendra « Matthieu »), assis à son bureau de publicain (collecteur d'impôts). Il le vit et l’appela à sa suite, pour en faire un apôtre (Mt 9, 9). Or ce même jour où nous fêtons l’apôtre saint Matthieu, le 21 septembre, Jésus a posé son regard sur le jeune Jorge Mario et l’a appelé à devenir prêtre. J’ai mis sur mon blogue quelques textes qui se rapportent à cette expérience fondatrice dans la vie de Jorge Mario Bergoglio. 

Quelques mois après son élection comme pape, le Père Antonio Spadaro, jésuite, a demandé à son confrère devenu pape : « Qui est Jorge Mario Bergoglio? » Et voici ce que le pape a répondu :

« Je ne sais pas quelle est la définition la plus juste …  Je suis un pécheur. C’est la définition la plus juste … Ce n’est pas une manière de parler, un genre littéraire. Je suis un pécheur.   …  La meilleure synthèse, celle qui est la plus intérieure et que je ressens comme étant la plus vraie est bien celle-ci : Je suis un pécheur sur lequel le Seigneur a posé son regard. Je suis un homme qui est regardé par le Seigneur. Ma devise, Miserando atque eligendo, je l’ai toujours ressentie comme pour moi profondément vraie (1). Le gérondif latin miserando me semble intraduisible tant en italien qu’en espagnol. Il me plaît de le traduire avec un autre gérondif qui n’existe pas: misericordiando (« en faisant miséricorde »).   …  Je ne connais pas Rome. Je connais peu de choses (à Rome). Je connais Sainte-Marie-Majeure, Saint-Pierre … mais, venant à Rome, j’ai toujours habité Via delle Scrofa. De là, je visitais souvent l’église Saint-Louis-des-Français, et j’allais contempler le tableau du Caravage, intitulé: La Vocation de saint Matthieu. Ce doigt de Jésus … vers Matthieu. C’est comme cela que je suis, moi. C’est ainsi que je me sens, comme Matthieu. C’est le geste de Matthieu qui me frappe : il attrape son argent comme pour dire : « Non, pas moi !   Non, ces sous m’appartiennent! » Voilà, c’est cela que je suis : un pécheur sur lequel le Seigneur a posé les yeux. » C’est ce que j’ai dit quand on m’a demandé si j’acceptais mon élection au pontificat : « Peccator sum, sed super misericordia et infinita patientia Domini nostri Jesu Christi confisus et in spiritu penitentiae accepto. »  (« Je suis pécheur, mais par la miséricorde et l’infinie patience de Notre Seigneur Jésus-Christ, je suis confiant et  j’accepte en esprit de pénitence ».

(1) La devise du pape François est tirée des homélies de saint Bède le Vénérable, qui, commentant l’épisode évangélique de la vocation de saint Matthieu, écrit : « Jésus vit un homme et, le regardant avec amour et le choisissant, lui dit : Suis-moi. » (NDLR : nous lisons d’ailleurs à chaque année ce commentaire de saint Bède le Vénérable, dans l’office des lectures du 21 septembre).

(Cette longue citation, est tirée de: Le Pape François, L’Église que j’espère, Flammarion/ ÉTUDES, 2013, pp. 32- 33).

Je suis impressionné du fait que notre pape ait été touché par la grâce et appelé à devenir prêtre, un 21 septembre, en la fête de saint Matthieu. Et je suis ébloui d'apprendre que Jose Mario Bergoglio, avant de devenir pape, avait l'habitude de résider sur la Via della Scrofa lors de ses séjours à Rome. Il était ainsi à quelques pas de l'église Saint-Louis-des-Français, où se trouve l'original de la peinture du Caravage, intitulée: La vocation de saint Matthieu. Jose Bergoglio a donc pu contempler à plusieurs reprises cette oeuvre d'art. Comme le Seigneur est bon, en sa Providence! Voici cette peinture du Caravage:  


La vocation de saint Matthieu  par  Le Caravage - 1599


Les premières fois que j’ai vu ce tableau du Caravage, je croyais que Matthieu était l’homme barbu qui semble se pointer du doigt. Mais j’opte maintenant pour une autre interprétation : cet homme barbu pointe plutôt en direction du jeune homme assis à sa droite, au bout de la table, et qui compte minutieusement son argent. C’est ce jeune homme qui est Matthieu, selon moi. C’est d’ailleurs ce que croient certains historiens de l’art :

« ROME, le 19 juillet 2012 – Le tableau reproduit ci-dessus est l’un des plus célèbres et des plus admirés du monde. C’est la "Vocation de saint Matthieu" du Caravage, 1599-1600, qui se trouve sur le mur de gauche, à côté de l’autel, dans une chapelle de l’église Saint-Louis-des-Français, à Rome.   

Sur le tableau, qui est saint Matthieu? Selon l’interprétation courante – c’est également celle qui, à Saint-Louis-des-Français, est indiquée aux visiteurs – il s’agit de l’homme barbu placé au centre du groupe.

Mais, samedi 14 juillet, présentant ce tableau lors de l’une de ses émissions les plus suivies, la chaîne de l’épiscopat italien, TV 2000, en a donné une lecture tout à fait différente. Que beaucoup de gens auront trouvé nouvelle et surprenante.

Selon cette lecture, le Matthieu que Jésus appelle n’est pas le personnage barbu, mais le jeune homme assis au bout de la table, tête baissée, qui est occupé à ramasser des pièces de monnaie.

Cette identification surprendra peut-être. Mais, une fois qu’on l’a comprise, elle apparaît beaucoup plus convaincante que l’autre. Plus "caravagesque". Et même plus proche de l’Évangile.

Mais revenons-en au saint Matthieu du Caravage et donnons la parole à Sara Magister, l’historienne d’art qui en a fait le commentaire sur TV 2000 :

« La scène se déroule dans la pénombre, celle d’une cour ou peut-être d’un intérieur. Autour d’une table sur laquelle Matthieu est en train de percevoir les impôts impériaux se trouvent des gens qui sont venus payer ce qu’ils doivent.

Mais voici que Jésus entre en scène, avec Pierre. Il tend le bras devant lui, désignant quelqu’un de la main. C’est l’appel. L’un des personnages s’en rend compte, mais ce n’est pas le jeune Matthieu. Celui-ci est encore concentré sur l’argent qu’il compte avec avidité, mais la lumière commence à éclairer son visage. Bientôt il va lever les yeux et accueillir l’appel de son nouveau maître.

Beaucoup d’historiens d’art pensent que Matthieu est le personnage barbu qui paraît se désigner lui-même de la main, en regardant Jésus. Mais de récentes analyses du tableau, plus approfondies, ont mis en évidence le fait que le barbu est l’un de ceux qui sont venus payer leur dû – de son autre main il est en train de donner des pièces de monnaie à un personnage qui les ramasse – et qu’il fait un geste scandalisé en direction du jeune homme assis à côté de lui. Comme s’il disait : 'Vraiment lui, ce pécheur, cet immonde individu ?'.    …

Comme toujours dans les œuvres religieuses du Caravage, cette lumière indique la grâce de Dieu qui entre à l’improviste dans la vie des hommes et qui est capable de la transformer contre toute logique humaine.

La main du Christ, empruntée à l’œuvre de Michel-Ange, indique que l’appel est une nouvelle création: d’un vieil homme naît littéralement un homme nouveau. Et Pierre, qui imite le geste du Christ, symbolise l’Église qui fait écho à la volonté de Jésus".

(Tiré de l’article de Sandro Magister, sur le site internet suivant: L'Évangile selon le Caravage - Chiesachiesa.espresso.repubblica.it/articolo/1350290?fr=y)

Voici ce qu’a dit le pape, le 1er décembre 2013, dans l’homélie qu’il a prononcée à la paroisse romaine Saint-Cyrille d’Alexandrie :

« C’est le propre du chrétien de rencontrer toujours Jésus, de le regarder, de se laisser regarder par Jésus, parce que Jésus nous regarde avec amour, il nous aime tant, il a tant d’affection pour nous et il nous regarde toujours. Rencontrer Jésus signifie également se laisser regarder par Lui.  …  Et nous poursuivons notre vie ainsi, comme le dit le prophète, sur la montagne, jusqu’au jour de la rencontre définitive, où nous pourrons croiser le regard si beau de Jésus, si beau. »


Voici maintenant un extrait de l’homélie de saint Bède le Vénérable, que nous lisons à chaque année à l’office des lectures du 21 septembre, en la fête liturgique de saint Matthieu:
« Jésus vit un homme assis au bureau de la douane; son nom était Matthieu. « Suis-moi », lui dit-il. Il le vit non pas tant avec les yeux du corps qu'avec le regard intérieur de sa miséricorde. Il vit le publicain, et parce qu'il le vit d'un regard qui prend pitié et qui choisit (1), il lui dit : «Suis-moi», c’est-à-dire imite-moi. En lui demandant de le suivre, il invitait moins à marcher derrière lui qu'à vivre comme lui; car celui qui déclare demeurer dans le Christ doit marcher dans la voie où lui, Jésus, a marché.
Matthieu se leva et le suivit.
Rien d'étonnant que le publicain, au premier appel impérieux du Seigneur, ait abandonné sa recherche de profits terrestres et que, négligeant les biens temporels, il ait adhéré à celui qu'il voyait dépourvu de toute richesse. C'est que le Seigneur qui l'appelait de l'extérieur par sa parole le touchait au plus intime de son âme en y répandant la lumière de la grâce spirituelle. Cette lumière devait faire comprendre à Matthieu que celui qui l'appelait à quitter les biens temporels sur la terre était en mesure de lui donner dans le ciel un trésor incorruptible. Comme Jésus était à table à la maison, voilà que beaucoup de publicains et de pécheurs vinrent s'attabler avec lui et ses disciples. La conversion d'un seul publicain ouvrit la voie de la pénitence et du pardon à beaucoup de publicains et de pécheurs. Beau présage en vérité : celui qui devait être plus tard Apôtre et docteur parmi les païens entraîne à sa suite, lors de sa conversion, tout un groupe de pécheurs sur le chemin du salut; et ce ministère de l'Évangile qu'il allait accomplir après avoir progressé dans la vertu, il l'entreprend dès les premiers débuts de sa foi. » (Saint Bède le Vénérable, Homélie sur saint Matthieu)
 (1)  « D’un regard qui prend pitié et qui choisit »: c’est ainsi que dans le bréviaire, on traduit les mots latins de saint Bède le Vénérable : « Miserando atque eligendo », qui sont les mots que nous retrouvons sur le blason du pape François. Voici d’ailleurs le blason du pape :


Pour connaître la signification des symboles mis sur le blason ou les armoiries du pape François, veuillez cliquer sur les mots suivants: Le blason du Pape François - L'Osservatore Romano







2 commentaires:

  1. C'est très beau! Ce passage de l'évangile m'a toujours, bien entendu, touché au plus haut point. Il n'a suffi à Matthieu que deux mots du Christ pour transformer sa vie: "Suis moi". Le plus beau cadeau que mes parents m'aient jamais fait, c'est de m'appeler Mathieu. De nature volontaire, il ne m'en a pas plus fallu pour le suivre du mieux que je peux.

    Merci cher ami pour cet article!

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    1. Cher Mathieu,

      C'est très beau cette phrase: " Le plus beau cadeau que mes parents m'aient jamais fait, c'est de m'appeler Mathieu ". Et connaissant ton grand amour envers le pape François, je suis sûr que l'attachement et l'affection du pape envers le publicain et l'apôtre Matthieu, te font encore plus apprécié le cadeau de tes parents. Je pense que notre pape aurait bien aimé recevoir le même cadeau que toi, le jour de son baptême. Ton ami, Guy, omv

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