dimanche 2 mars 2014

Vive la philosophie ! Deuxième partie

Vive la philosophie ! Deuxième partie

Dans mon dernier blogue, je faisais en quelque sorte l’éloge de la philosophie. Je considère qu’une solide formation philosophique est essentielle pour juger des débats de société. Or, malheureusement, cette formation fait grandement défaut chez la grande majorité des gens. Mgr Maurice Dionne, qui a été un des plus illustres professeurs de philosophie de l’Université Laval, à Québec, disait qu’idéalement, on devrait étudier la « logique » (méthode de pensée, employée en philosophie) durant plusieurs années, avant d’aborder les différents champs d’étude en philosophie. Car la logique est l’instrument permettant de penser de manière juste. La personne qui connaît bien la logique, pourra assez facilement débusquer les erreurs. Voici un exemple de ce que je veux dire, tiré de textes que m’a envoyés à nouveau mon bon ami Michel Fontaine (Voir : Vive la philosophie ! Première partie).

« J'ai lu dernièrement dans La Presse une réaction d'un médecin, Marcel Boisvert, à la position des évêques d'ici sur l'euthanasie. Je me suis informé un peu parce qu'il me semblait avoir vu ce nom là quelque part. Or il s'avère que Marcel Boisvert a écrit un livre sur l'euthanasie avec un autre médecin, le docteur Serge Daneault. Je me souviens d'en avoir entendu parler et d'en avoir lu des extraits. Voici ce que dit La Presse du 27 septembre 2010 de ces deux médecins :

« Dans Être ou ne plus être, débat sur l'euthanasie, publié aux éditions Voix Parallèles, les deux docteurs ont voulu se pencher sur l'appel de désespérance que les personnes souffrantes lancent par leurs yeux creusés par la maladie. Le Dr Marcel Boisvert, maintenant à la retraite, fait partie de la première génération de médecins affiliés à l'unité de soins palliatifs de l'hôpital Royal Victoria. Le Dr Serge Daneault exerce à l'unité des soins palliatifs de l'hôpital Notre-Dame du CHUM. Ces deux hommes ont été, et sont toujours, proches de la réalité des mourants par leur travail, leurs recherches, leurs réflexions. Leurs voix, bien qu'opposées, mais très riches, alimentent un débat majeur et déchirant de notre société. »  (Marcel Boisvert et Serge Daneault | Anne Richer ... - Cyberpresse www.lapresse.ca/...presse/201009/27/01-4326937-marcel-boisvert-et-serge- daneault.php)

Ceci étant dit, voici la critique qu'adresse Marcel Boisvert à la position des évêques, suivie de la critique que je fais de sa critique.

« À l’occasion du vote prochain sur le projet de loi 52 concernant l’aide médicale à mourir, vous réaffirmez (à savoir les Évêques) la norme morale en toute circonstance, de ne pas abréger la vie. Or, comme toutes les normes, celle-ci peut et doit accepter des exceptions. Pour confirmer la règle, l’exception doit exister.
Un des plus grands parmi vous, Hans Küng, écrit dans Être chrétien : « Le service de l’homme a priorité sur l’observance de la Loi. Aucune norme ni institution ne saurait être érigée en absolu ». Et affirmant que l’homme peut et doit assumer ses responsabilités, il écrit : « Non, personne n’est obligé d’accepter tout cela jusqu’à la fin en soumission à Dieu… » (Lettre aux évêques du Québec - La Presse+  plus.lapresse.ca/.../4a11-8138-52fa3198-9e88-79a8ac1c606d%7C_0)

Ma critique :

Marcel Boisvert s’attaque dans ce passage à la position des évêques sur l’euthanasie. Cette attaque manque tellement de force qu’on se dit que sa position à lui doit être bien faible s’il se contente d’arguments aussi inconsistants et mous pour critiquer la position opposée. Pas terrible comme rigueur.

Première remarque. D’abord, ce n’est pas d’abréger la vie dont il est question quand on parle d’eutha­nasie, mais de tuer. Du seul fait de vivre j’abrège ma vie. Je ne me tue pas pour autant.

Deuxièmement. C’est vrai, comme le dit Marcel Boisvert, que “l’exception confirme la règle”. Encore faut-il comprendre ce que cela veut dire. Cette maxime signifie que l’exception présuppose la loi, la règle ou la norme. Autrement dit, s’il y a une exception c’est qu’il y a une règle. Mais l’inverse n’est pas vrai. La loi ne présuppose pas l’exception. C’est ici que M. Boisvert déraille. L’exception implique forcément une loi mais une loi n’implique pas forcément des exceptions. Par exemple, les lois qui interdisent les génocides, les agressions sexuelles… doivent-elles prévoir et accepter des exceptions ? Ce serait faire injure à Marcel Boisvert que de penser qu’il envisage sérieusement des exceptions à la loi qui interdit les agressions sexuelles. Pour confirmer cette règle nul n’est besoin d’une exception. Je suppose donc que Marcel Boisvert concéderait que les lois qui interdisent les génocides, les crimes contre l’humanité et les agressions n’ont pas besoin d’être confirmées par des exceptions. Autrement dit, il n’est pas nécessaire de permettre exceptionnellement des agressions sexuelles ou des crimes contre l’humanité pour confirmer les règles qui en font l’interdiction. Il lui faut donc faire la démonstration que l’interdiction de tuer par euthanasie a besoin, elle, d’être confirmée par des exceptions.

Troisièmement. Si “toute règle doit avoir des exceptions” alors cette règle aussi doit logiquement en avoir. Il doit donc y avoir au moins une règle sans exception. Il en va de même de la norme que propose Hans Küng à savoir qu’aucune norme ne saurait être érigée en absolue. Cette norme doit aussi valoir pour elle-même et ne peut donc pour cela être érigée en absolu, ce qui, logiquement, laisse la place à la possibilité d’une norme absolue. Si la norme de Küng est vraie, elle est elle-même une norme absolue. Si elle est fausse, il y a encore une norme absolue. La vérité, contrairement à ce que pensent Küng et Boisvert, c’est qu’il y a des normes absolues.

Enfin, en invoquant l’autorité du théologien Hans Küng, Marcel Boisvert ne présente pas un argument bien convaincant pour les évêques et les gens qui ont un peu le sensus fidei. Küng est loin d’être un théologien fiable et recommandable. Argumenter à partir de l’autorité de Hans Küng n’est pas un argument efficace pour les évêques (ad positionem), parce qu’il ne procède pas à partir de ce qu’ils peuvent concéder (ex concessis). Sa critique tombe à plat.

Michel 

Je pense que tout comme moi, après avoir lu l’argumentaire de Michel Fontaine, vous vous direz que nous laissons souvent passer sous nos yeux, des propos faux, en pensant qu’ils sont vrais. Comme elle est éclairante, la façon dont Michel explique la vérité du dicton : « l’exception confirme la règle »!

Je suis tellement étonné de constater qu’un médecin comme monsieur Marcel Boisvert, qui a œuvré dans des unités de soins palliatifs, s’exprime comme il le fait. J’espère que monsieur Boisvert a lu un jour le magnifique livre de Marie de Hennezel, intitulé : La mort intime. Marie de Hennezel a été la première personne en France, à ouvrir une unité de soins palliatifs. Elle l’a fait en convaincant le président François Miterrand de la nécessité de la chose. M. Miterrand a préfacé le livre La mort intime et est décédé dans l'unité de soins palliatifs dirigée par Marie de Hennezel. Dans son livre, Marie de Hennezel nous raconte certaines expériences qu’elle a vécues auprès des mourants. Les gens font des pas de géant au point de vue humain et spirituel, dans les dernières semaines de leur vie. Une fois que l’on constate cela et que l'on sait cela, comment pouvons-nous oser tuer un être humain avant qu’il ait atteint son dernier souffle?

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