vendredi 5 juillet 2013

Regard

Regard
Une amie vient de m’envoyer le message que voici :
Bonjour Père Guy,
Vous, si sensible au regard, je vous ai déjà dit, je crois, que moi aussi le regard me fascinait…
Je savais qu'un jour, je partagerais avec vous un texte que j'ai écrit il y a 10 ans.
Je ne sais pas pourquoi, mais c'est aujourd'hui que j'ai le goût de le faire.
Vous comprendrez pourquoi le texte d'Isaïe (43, 1-5) me parle. C'est celui que j'ai placé dans "la mosaïque des Paroles de Dieu" à la petite chapelle de l'église Saint-Enfant-Jésus.
Bonne fin de journée!
Christiane

Et voici le texte qu’elle m’a partagé :
REGARD
« Léonard de Vinci termine la grande fresque de l’Eucharistie : la Cène avec Jésus au milieu des Apôtres. Arrive le moment de peindre Judas. Il a du mal à trouver un modèle pour Judas. Il en vient à chercher dans les tavernes et les bouges, un visage qui, par sa laideur, lui permettrait de peindre une figure de traître. Après des mois de recherche infructueuse, un jour enfin, Léonard croit avoir trouvé. Là-bas, dans un coin, il repère un visage, un visage portant sur sa face les stigmates du vice. Léonard s’approche de l’homme et lui demande s’il accepterait de venir dans son atelier, en lui expliquant--  comme on peut le faire à un inconnu— ce qu’il attend de lui. L’homme silencieux regarde fixement Léonard. À la fin, l’homme prend une lanterne et l’approche de son visage et dit : « Léonardo, tu ne me reconnais pas? C’est moi qui ai posé pour toi lorsque tu peignais le visage de Jésus! »
Ça commence comme ça, une histoire qui tout d’un coup déchire le paysage, ouvre les yeux intérieurs. Une histoire qui fait sourire, qui donne le goût de prendre le train, de partir, de faire un petit voyage souple comme un rêve.
On ne sait pas toujours comment on regarde, on regarde sans regarder bien souvent, par habitude, on glisse sur les choses, sur les gens, sur la vie.
Mes amis m’assurent pourtant que mes yeux parlent. Que disent-ils? « Tu as du prix à mes yeux… »?
Mes yeux parlent-ils seulement quand je suis reconnue? Je le sens quand les gens sont là devant moi, en groupe, en foule. Je me sais accueillie, reçue, acceptée. Mais qu’un seul ne me donne pas son regard et je m’inquiète. Je travaille à le conquérir, je n’ai pas l’air d’y penser, mais ce regard-là se met à compter, à prendre toute la place. Jusqu’à ce que je gagne un sourire, une adhésion. Quelquefois la magie ne se produit pas, il se lève et s’en va. C’est la défaite.
Dans sa carte de vœux, mon ami Julien écrit : « Un regard, c’est rapide, précieux, décisif, tragique, doux, violent. Mais un élément relie toutes ces caractéristiques : « nous sommes maître de notre regard. » Je suis ramenée à Léonardo, à son regard qui lui fait voir dans le même homme Judas ou Jésus.
Maître de mon regard. Je peux le changer quand il ne me convient pas, quand il me fait souffrir? Les médecins opèrent maintenant au laser, un rayon qui vient de l’extérieur. On voit mieux, mais le changement est-il profond? Un œil opéré au laser rend-il plus heureux?
Parfois, c’est quand je ferme les yeux que je vois le mieux.
Plus loin que le regard, il y a la source. Trouver à quelle source mon regard est branché. Choisir à quelle source je veux le brancher. C’est la source qui donne sa véritable clarté à mes yeux.
Marie-Madeleine Davy, une auteure que j’aime bien, a de beaux mots pour dire cette quête : « Retour au pays natal », « L’itinéraire du dedans ». On croit entendre un appel. « Je m’appelle moi-même », dit-elle.
Le voyage est déjà commencé depuis longtemps. Plus je m’approche de ma source, plus le regard que je vais montrer aux autres sera révélation de ce que je suis en train de devenir. J’ai soixante-cinq  ans et ce que je deviens, sous mes propres yeux, est beau, est bon.
Parfois, c’est l’ennui. « Qu’est-ce que j’ai, aujourd’hui, je me cherche partout… » Je suis en dehors de moi, je cours à gauche et à droite, je me perds. Parfois, c’est quelque chose d’un peu effrayant, la solitude. Mais la source est calme. Je choisis « l’itinéraire du dedans ». Alors tout est possible. Parce que là, il y a de la place pour plus grand que moi-même.
Voilà ce qui m’habitait  il y a 10 ans !...Tout cela s’est intensifié et j’en suis venue à ME LAISSER REGARDER PLUS SOUVENT par CELUI QUI A DIT : « JE T’AIME, TU AS DU PRIX À MES YEUX… »
Christiane Gagnon

Voici le mot que je viens d’envoyer à Christiane :

Chère Christiane,

Merci beaucoup pour ce partage. Dès que j'ai commencé à lire votre texte sur le regard, j'ai été ébloui par la citation du début car je venais de lire le matin même cette citation (Leonardo da Vinci qui voit Judas et Jésus dans la même personne) dans le livre de Bernard Bro intitulé " La foi n'est pas ce que vous pensez ". Dans ce livre, publié aux éditions du Cerf, cette histoire se trouve aux pages 54 et 55. J'ai été profondément touché par cette histoire et ce fait. Comme il est puissant ce texte !

Vous m'avez écrit: "Je savais qu'un jour, je partagerais avec vous un texte que j'ai écrit il y a 10 ans. Je ne sais pas pourquoi, mais c'est aujourd'hui que j'ai le goût de le faire.Maintenant, vous et moi savons pourquoi. La petite histoire de Léonard de Vinci est le lien recherché ici.

Vous avez raison de dire que moi aussi, je suis attiré par le regard, ébloui par le regard. La plus grande preuve en est mon testament spirituel " Les Yeux de l'Amour ", mis sur You Tube (1) Il y a aussi, bien sûr, le magnifique poème de Sully Prudhomme intitulé "Les Yeux", que j'ai mis sur mon blogue en date du 15 novembre 2012, et que j'ai récité aux funérailles de ma chère maman.

La phrase de Jésus qui me vient à l'esprit après avoir lu votre texte, est celle-ci: " La lampe corps, c'est l'oeil. Si donc ton oeil est sain, ton corps tout entier sera lumineux. Mais si ton oeil est malade, ton corps tout entier sera ténébreux. Si donc la lumière qui est en toi est ténèbres, quelles ténèbres ce sera! (Mt 6, 22-23) Cette phrase de Jésus m'a toujours beaucoup impressionné. Tout passe par le regard, mais aussi tout vient du regard. Il nous faut protéger notre regard. Toute impureté qui se jette dans notre regard ou que nous laissons entrer dans notre regard, contamine et obscurcit notre coeur. Je pense que Jésus aurait aussi pu dire: " La lampe du coeur, c'est l'oeil ". C’est pourquoi, comme dit un auteur, il faut « avoir les yeux dans la Tête », signifiant par là que les yeux de notre âme et aussi de notre corps, devraient toujours être fixés sur Jésus, la Tête de l’Église.

Je vous demande bien sérieusement la permission de mettre votre courriel et le message que vous y avez inclus, sur mon blogue. J'aimerais beaucoup laisser votre prénom. Vous serez facilement reconnue par les paroissiens, mais qu'est-ce que cela peut bien faire, n'est-ce pas? Cela ne peut faire que du bien. Au diable la fausse humilité! Ai-je raison?

Votre ami,

Guy, omv

(1) Pour visionner mon testament spirituel sur You Tube, allez sur Google et écrivez : Guy Simard Les Yeux de l’Amour.
  

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