mardi 24 juillet 2012

" Venez à l'écart et reposez-vous un peu." (Jésus)

« Venez à l’écart et reposez-vous un peu. » (Jésus)

L’évangile de dimanche dernier (16ème dimanche du temps ordinaire, année B) tombait pile, en ce temps où plusieurs personnes sont en vacance. Dimanche dernier, Jésus avait envoyé les Apôtres en mission pour la première fois de leur vie, leur recommandant de faire les mêmes œuvres que Lui: chasser les démons, guérir les malades, etc. Aujourd’hui, dans l’évangile, nous voyons les apôtres revenir auprès de Jésus et lui raconter tout ce qu’ils avaient fait. Il semble bien que les apôtres étaient très fiers d’eux et qu’ils en avaient long à raconter. Il semble que tout avait bien fonctionné. Les miracles opérés par la parole et les mains des apôtres semblent avoir été très nombreux. Devant tant d’excitation et de fierté, Jésus ne trouve rien à dire de mieux que de les inviter à se reposer un peu. J’imagine que les apôtres auraient préféré un nouvel envoi en mission.
Mc 6:30-
Les apôtres se réunissent auprès de Jésus, et ils lui rapportèrent tout ce qu'ils avaient fait et tout ce qu'ils avaient enseigné.
Mc 6:31-
Et il leur dit : " Venez vous-mêmes à l'écart, dans un lieu désert, et reposez-vous un peu. " De fait, les arrivants et les partants étaient si nombreux que les apôtres n'avaient pas même le temps de manger.

Cette parole de Jésus invitant au repos est tout à fait appropriée alors que plusieurs personnes sont ou seront en vacance cet été. Elle mérite aussi à ce qu’on la médite sérieusement en cette ère de la performance à tout prix. L’homme et la femme moderne ont tendance à s’évaluer et évaluer les autres selon leur degré de performance, selon la qualité ou la quantité de leur agir. Quelle erreur ! La Parole de Dieu nous invite à mettre notre fierté et notre éblouissement ailleurs. Dans un autre passage des évangiles, alors que les disciples de retour de mission, se vantent de leurs exploits auprès de Jésus, le Maître leur donne une autre parole de sagesse :
Lc 10:17-
Les soixante-douze revinrent tout joyeux, disant : " Seigneur, même les démons nous sont soumis en ton nom ! "
Lc 10:18-
Il leur dit : " Je voyais Satan tomber du ciel comme l'éclair !
Lc 10:19-
Voici que je vous ai donné le pouvoir de fouler aux pieds serpents, scorpions, et toute la puissance de l'Ennemi, et rien ne pourra vous nuire.
Lc 10:20-
Cependant ne vous réjouissez pas de ce que les esprits vous sont soumis ; mais réjouissez-vous de ce que vos noms se trouvent inscrits dans les cieux. "

Je serais tenté de paraphraser cette dernière phrase de Jésus en disant : « Réjouissez-vous du fait que vos noms sont inscrits dans le cœur de Dieu; réjouissez-vous du fait que vous êtes aimés de Dieu de toute éternité et que vous êtes appelés à vivre avec Lui, en sa compagnie, pour toute l’éternité. »
La semaine dernière, un de mes anciens paroissiens est venu me visiter. Il m’a parlé du « directeur spirituel » (je préfère pour ma part parler « d’accompagnateur spirituel ») qu’il a eu durant plusieurs années. Ce directeur spirituel était un prêtre religieux, ce qui veut dire un prêtre qui appartenait à une Congrégation religieuse. D’après mon ancien paroissien, ce prêtre était un saint prêtre; ce dont je ne doute pas du tout. Cependant, je ne suis pas du tout d’accord avec un des indices de sainteté que mon cher ami attribuait à son « directeur spirituel ». À un certain moment, mon ami m’a dit : « Le Père … a été prêtre durant 45 ans et il n’a jamais pris de vacance. Il a toujours été disponible au cas où quelqu’un aurait eu besoin de lui. » J’ai écouté mon ami sans réagir; je n’ai pas voulu lui enlever ses illusions sur ce point. Mais cette phrase de mon ami ne m’a pas impressionné du tout; ne m’a vraiment pas impressionné. Je crois sincèrement que ce cher prêtre aurait dû prendre des vacances durant sa vie.
Je ne comprends pas comment certaines personnes peuvent faire fi du conseil de Jésus dans l’évangile d’aujourd’hui. Bien plus, je ne comprends pas comment on peut faire fi du commandement de Dieu sur le repos, sur le « shabbat ». Le mot hébreu « shabbat » signifie repos. En français, nous disons: le sabbat. Le sabbat désigne le septième jour. Dans le livre de la Genèse, il est dit que Dieu créa le monde en six jours et que le septième jour, Il se reposa. Or quand Dieu a donné les dix paroles de vie à Moïse, que nous appelons malheureusement parfois les « dix commandements », Il a exprimé le désir que l’être humain imite son créateur en sanctifiant le jour du Seigneur, le jour du sabbat. Or comment sanctifier le jour du Seigneur? En consacrant du temps à Dieu et en se reposant. Le repos est un commandement de Dieu, rien de moins. Et Dieu ne doit pas être très heureux de voir de ses enfants qui ne prennent pas au sérieux ce commandement.
Il y a quelque chose d’insidieux dans le fait de vouloir travailler tout le temps. Il y a quelque chose de très « pharisien » là-dedans. Le pape Benoît XVI, lors de l’Angelus du 20 août 2006, cite saint Bernard qui écrit à son ancien disciple à Clairvaux, le pape Eugène III. Voici un extrait de l’Angelus :
« Il est nécessaire, observe le saint, de se préserver des dangers d'une activité excessive, quelles que soient la situation ou la charge que l'on occupe car - dit-il au Pape de l'époque et à tous les Papes, à nous tous - les nombreuses occupations conduisent souvent à la "dureté du coeur", elles ne font que "tourmenter l'esprit, épuiser le coeur et... faire perdre la grâce" (II, 3). Cette mise en garde vaut pour tout type d'occupations, y compris celles qui sont inhérentes au gouvernement de l'Eglise. La parole que Bernard adresse à ce propos au Souverain Pontife, son ancien disciple à Clairvaux, est provocatrice: "Voilà, écrit-il, où toutes ces maudites occupations qui vous absorbent ne peuvent manquer de vous conduire, si vous continuez... à vous y livrer tout entier, sans rien réserver pour vous-même. »
Saint Bernard indique clairement que l’activisme peut conduire à la dureté du cœur. La dureté du cœur, c’est ce que Jésus a reproché constamment aux pharisiens de son époque. Jésus a même inventé une magnifique parabole pour nous faire comprendre ça : la parabole du pharisien et du publicain que l’on retrouve en saint Luc 18, 9-14. Jésus nous dit clairement à qui s’adresse cette parabole : à certaines personnes qui se flattent d’être des justes et qui n’ont que mépris pour les autres. Voilà la dureté du cœur, selon Jésus. Le pharisien priait en lui-même et se félicitait de ne pas être comme les autres, et en particulier comme le publicain qui était en prière lui aussi dans le temple. Le pharisien ne se gênait pas pour rappeler à Dieu ses bonnes œuvres alors que le publicain, les yeux baissés, disait simplement à Dieu : « prends pitié du pécheur que je suis ». Jésus termine la parabole en disant que de retour chez eux, c’était le publicain qui était justifié.
Comme cette parabole est importante pour nous ! Thérèse de Lisieux, ma sainte préférée (voir quelques unes de ses paroles sur ce blogue dans le texte intitulé « Thérèse, chère Thérèse », en date du 1er octobre 2011, jour où nous fêtons en Église cette merveilleuse sainte) a dit un jour qu’elle arriverait au ciel « les mains vides ». Qu’est-ce que cela veut dire? Voici mon interprétation : nous faisons tous et toutes du bien sur cette terre. J’en suis sûr. Mais le bien que nous faisons, c’est Dieu qui en est la source. C’est Dieu qui agit en nous et à travers nous, à chaque fois que nous faisons du bien. Cela est évident pour toute personne qui se sait enfant de Dieu. Par contre, quand nous faisons le mal, ce n’est pas Dieu qui agit en nous. Dieu ne peut pas faire le mal et ne peut pas être à la source du mal. Le mal que nous aurons en nous à notre mort, sera vraiment notre mal, et ce sera la seule chose qui sera vraiment « nôtre ». Alors, nous pourrons, je l’espère, entrer au ciel en faisant la prière du publicain : « Mon Dieu, prends pitié du pécheur que je suis. »
En terminant, je vous invite à méditer les deux textes suivants. D’abord, un court texte de l’archevêque anglican sud-africain Desmond Tutu :
« Notre culture est une culture de la performance (de la réalisation), et nous emmenons cette attitude dans notre relation avec Dieu. Nous travaillons de façon frénétique pour impressionner tout le monde, y compris Dieu.    Nous devons croire que notre relation à Dieu, notre état devant Dieu, n’a rien à voir avec notre performance et nos travaux. » (la traduction est mienne; tiré de God Has a Dream : A Vision of Hope for Our Times, Image Doubleday, 2004, p. 32)
Ensuite, un texte du pape tiré du livre : Benoît XVI Joseph Ratzinger, Touché par l’invisible, Parole et Silence, 2008)
" N'importe quel type d'agitation quelle qu'elle soit, même religieuse, est très éloignée de l'image de l'homme qui se trouve dans le Nouveau Testament. 


Nous nous surestimons à chaque fois que nous croyons être complètement indispensables ou que le cours du monde ou de l'Église dépend de notre capacité à faire preuve d'une agitation débordante.

C'est souvent un acte d'authentique humilité et d'honnêteté constructive de savoir nous arrêter, reconnaître nos limites, nous accorder un temps pour souffler et nous reposer conformément à ce qui a été prévu par Dieu pour l'homme


Je ne voudrais pas me faire ici le défenseur de la paresse mais réviser un tant soit peu le catalogue des vertus tel qu'il a fini par s'imposer dans le monde occidental où seuls comptent l'action et le travail. La contemplation, l'étonnement, le recueillement, le silence y sont devenus des postures indéfendables ou tout moins nous nous sentons obligés de les justifier. C'est ainsi que périssent des aspects essentiels du potentiel humain.
Nos activités de loisirs en sont la meilleure illustration. Il ne s'agit souvent que d'un changement de lieu et beaucoup ne se sentiraient pas très bien s'ils étaient privés de la fréquentation des masses et des activités qu'ils voulaient pourtant fuir. Alors qu'il nous serait si indispensable, nous qui vivons dans un monde d'artifices, de nous extraire de tout cela et de chercher la rencontre avec la dimension authentique de la Création.

....
Redisons-le : dans un monde d'artifices, Dieu ne se manifeste pas. Il nous est donc d'autant plus indispensable de nous extraire de nos activités, de chercher le souffle de la création afin de pouvoir le rencontrer et de pouvoir nous trouver. "



  

6 commentaires:

  1. Merci pour ce texte si vrai et touchant. Il tombe à point pour moi car je suis en période d'allègement de travail. Je prends des 4 jours de congé pour 3 jours de vacances afin d'être avec ma famille. Quelle joie que de partir en camping avec mon épouse enceinte et ma fille de deux ans! C'est vraiment une joie intense. Je peux alors constater à quel point mon enfant a évolué, comment se développe son langage et notre relation affective s'intensifie, s'approfondit. Je peux aussi me rapprocher de mon épouse, qui en est presque à son 3e tiers de grossesse. Je peux ainsi m'émouvoir de la voir "caresser sa bédaine" avec tendresse, parlant à notre enfant avec un amour que seule une mère peut éprouver. Je peux la voir souffrir en silence des divers maux reliés à la grossesse et garder le sourire pour nous. Toutes ces petites choses qui passent trop vite quand on ne prend pas la peine de s'arrêter. Dieu avait bien raison (peut-il seulement avoir tort...?) de nous re-commander de nous reposer. Ce temps en famille me rapproche de Dieu, de la nature de ce qu'il a créé pour nous, pour son royaume. Et j'en souhaite tout autant à tes lecteurs, cher ami!

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    1. Cher Mathieu,

      C'est toi qui m'as touché avec ton texte. Cela fait du bien de renouer sur mon blogue avec celui qui en a été l'inspiration il y a treize mois de cela. Je suis rendu à 7160 pages vues. Je n'en reviens pas. Je pense toujours que je n'aurai plus rien à dire et soudain arrivent des idées. Merci cher ami d'avoir été pour moi l'instrument dont Dieu s'est servi pour que j'entre encore plus intensément dans mon désir le plus profond: la joie. Car ce blogue est pour moi la source d'une très grande joie.

      Ton ami,

      Guy, omv

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    2. Cher Mathieu, je t'ai répondu le 7 juillet, voir le texte du père Guy, intitulé : Jésus Christ.
      Moi et ma famille, nous sommes allés en vacances à Old Orchard en camping pour une semaine. C'était merveilleux. Nous sommes supposés partir au Lac St-Jean mais Jean a eu un contrat de teinture. Nous sommes un peu retardés (moi et Anne-Marie, nous allons aller l'aider ce soir pour pouvoir partir mercredi ou jeudi).
      Je suis bien heureuse de voir que la grossesse de ton épouse va bien. Je vous souhaite de très belles vacances!

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  2. À tous et toutes, membres du blog de notre cher père Guy, je souhaite de belles et bonnes vacances, sous le soleil du bon Dieu! C'est vrai, Mathieu, il faut refaire nos forces physiques, psychologiques et spirituelles dans un monde où, hélas, tout doit aller toujours trop vite et où on en oublie trop souvent l'essentiel. Vous semblez être un mari et un père comblé par votre petite famille, à laquelle s'ajoutera un autre enfant. Q'est-ce qu'il y a de plus beau? à part de savoir que Dieu veille sur nous ses enfants? Je vous souhaite, à vous et votre épouse, tout le bien possible pour la naissance de ce second enfant du bon Dieu, et de vous et de votre épouse évidemment (rires)!

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  3. Merci pour ce bon post. Nous organisons prochainement avec mon épouse, un we de ressourcement spirituel pour des responsables "scouts" Protestants. Nous méditerons ces paroles de Jésus et vos bons commentaires... Merci. Amitiés en Jésus. Samuel.

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    1. Cher Samuel

      Merci pour votre message. Je me réjouis de cette collaboration entre frères catholiques et protestants.

      Bonne continuation de Carême !

      Guy, omv

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