mardi 7 février 2012

Le 11 février: journée mondiale des malades

Le 11 février : journée mondiale des malades


Le 11 février, nous célébrerons le vingtième anniversaire de la journée mondiale des malades. C’est le pape Jean-Paul II qui a eu cette merveilleuse idée de dédier une journée spéciale pour les malades. La maladie touchera chacun de nous un jour ou l’autre et qui ne connaît pas dans son entourage immédiat une personne malade et même gravement malade? La maladie est malheureusement une des réalités les plus universelles qui soient. Il était donc normal qu’une journée mondiale des malades soit instituée. Et c’est une fois de plus le grand Jean-Paul II qui en a eu l’intuition et qui l’a réalisée. La date choisie par Jean-Paul II est très symbolique : le 11 février, l’Église universelle célèbre Notre-Dame de Lourdes. Le 11 février 1858, la Vierge Marie apparaissait pour la première fois à la jeune Bernadette Soubirous. Le sanctuaire de Lourdes voulu par Dieu et par Marie reçoit annuellement environ cinq millions de visiteurs, de 130 pays. Ce sont les malades qui sont particulièrement attirés par Lourdes et qui viennent y prier. On nous dit que quoique les guérisons miraculeuses s’y produisent, le plus grand des miracles est que chaque malade retourne chez lui ou chez elle avec un cœur consolé et rempli d’espérance.


Cette année, la journée mondiale des malades est enchâssée entre deux dimanches où l’on voit Jésus guérir des malades. Cela tombe bien. Dimanche dernier, la première lecture nous présentait l’admirable figure biblique qu’est Job. Le livre de Job est le livre biblique par excellence en ce qui a trait à la souffrance. Comme le dit si bien madame Marie-Noëlle Thabut dans ses commentaires des lectures du dimanche, le grand mérite du livre de Job est de bien poser la question de la souffrance et de ne pas se satisfaire des réponses faciles et creuses que les amis de Job ont essayé de lui donner. Devant la souffrance des autres, souvent la meilleure attitude est le silence. Sur son lit de mort, le cardinal Veuillot, archevêque de Paris, disait : « Nous savons faire de belles phrases sur la souffrance. Moi-même, j’en ai parlé avec chaleur. Dites aux prêtres de n’en rien dire; nous ignorons ce qu’elle est, et j’en ai pleuré. »  


Je ne vous dirai donc pas ce que je pense de la souffrance mais je vais essayer de jeter un tant soit peu de lumière sur la façon dont Dieu voit la souffrance. Pour savoir comment Dieu voit la souffrance, il nous faut regarder Jésus, Dieu lui-même fait homme. Une très grande partie des évangiles est constituée de miracles accomplis par Jésus pour alléger la souffrance et même y mettre fin pour un certain temps. Voilà comment Dieu voit de l’intérieur la souffrance de ses enfants : il ne peut pas en quelque sorte la tolérer. Dieu souffre de voir souffrir ses enfants. Il y a un verbe que les évangiles ne cessent d’employer pour décrire la façon dont Jésus se sentait devant la souffrance des gens; on nous dit que Jésus « avait pitié des gens ». Cette traduction n’est vraiment pas très bonne. Il faudrait trouver un moyen de mieux rendre le sentiment que Jésus éprouvait devant la souffrance de ses frères et sœurs humains. Voici comment s’exprime un jeune bibliste de Montréal, M. Sébatien Doane :  


« Pitié : Hébreu : rahamim ; Grec : splanchna ou éléos. La pitié est un sentiment qui rend sensible aux souffrances. Pour traduire ce concept abstrait, l’hébreu biblique va prendre le mot « rahamim » qui veut dire littéralement : le sein maternel, l’utérus ou les entrailles. On en comprend que la pitié dans la Bible est comme le lien viscéral entre une mère et l’enfant en elle. Cette image de l’amour plein de tendresse d’une mère pour son fils traduit par pitié est utilisée à plusieurs endroits dans la Bible pour décrire le regard de Dieu sur son peuple. Malheureusement avec l’usure, aujourd’hui, les mots pitié, compassion ou miséricorde en français décrivent mal toute l’émotion et l’intimité du mot « rahamim » hébreu.  Dans le Nouveau Testament, c’est «splanchna» qu’on traduit par pitié. Littéralement, ce mot veut dire « entrailles ». En grec on dit qu’on a des entrailles pour quelqu’un pour exprimer l’idée d’être ému et d’éprouver un sentiment intense de compassion. À plusieurs reprises, c’est la façon dont on décrit le regard de Jésus pour une personne malade ou une foule. « En débarquant, il vit une grande foule; il fut pris de pitié (ému aux entrailles) pour eux et guérit leurs infirmes. » (Mt 14, 14) »  (1)


Cette longue citation de Sébastien Doane nous montre à quel point il est utile de connaître le grec et l’hébreu. Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus a dit que si elle avait été prêtre, elle aurait étudié et connu l’hébreu et le grec pour pouvoir lire les Saintes Écritures dans leur langue originale. Cette sainte était vraiment perspicace et illuminée. Malheureusement, nous n’avons pas tous le courage de celle qu’on appelle parfois « la plus grande sainte des temps modernes ». Quoi qu’il en soit, pour exprimer la façon dont Jésus se sentait devant la souffrance, je propose de traduire les mots : « Jésus eut pitié » par « Jésus fut tout remué au-dedans de Lui ». Ce n’est pas fameux comme traduction, me direz-vous; mais c’est mieux à mes yeux tout au moins. 

Je me rends compte que le temps passe et que je ne pourrai pas tout dire sur la façon dont je vois la souffrance en Dieu. Mais je vais quand même prendre le temps de dire ceci : selon moi, la phrase la plus forte et la plus énigmatique que Jésus ait prononcée sur cette terre est celle-ci : « Élôï, Élôï lama sabachthani ? » (Mc 15, 34). Nous avons conservé cette phrase dans la langue même de Jésus : l’araméen. N’est-ce pas un signe de l’importance exceptionnelle de cette phrase? En français, nous la traduisons ainsi : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » Saint Marc nous dit : « À la neuvième heure, Jésus poussa un grand cri : «  Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » Tous les mots ici sont importants : Jésus poussa un grand cri. Comme il a dû être impressionnant ce cri de Notre Seigneur! Je suis sûr que ceux et celles qui l’ont entendu, s’en sont souvenus toute leur vie; à commencer par Marie, sa Mère, debout au pied de la croix. Par cette phrase, Jésus intégrait et présentait au Père tous les « pourquoi » de ceux et celles qui souffrent. Tous les pourquoi restés sans réponse; tous les pourquoi qui se perdent dans la nuit, qui se perdent dans l’oubli. Dieu a voulu connaître ce que c’était que de se sentir abandonné et de crier sa souffrance. Il est beau de constater qu’en cette année 2012 au Québec, le thème de la journée mondiale des malades est le suivant : « Entends le cri de ma prière. »

Jésus qui toute sa vie avait prié son Père en l’appelant « Abba », « papa », expérimente sur la croix l’éloignement de Dieu et ne peut plus que l’appeler « Mon Dieu, mon Dieu ». Mais ce sentiment intense d’éloignement disparaîtra quelques minutes avant la mort de Jésus et notre sauveur retrouvera toute sa confiance filiale. Juste avant de rendre l’esprit, il priera ainsi : « Père (abba), entre tes mains, je remets mon esprit. » (Lc 23, 46) Il semble bien que saint Luc a voulu montrer que Jésus avant de mourir a retrouvé toute sa confiance envers son Père puisque lui aussi parle de « cri » : « Jetant un grand cri, Jésus dit : « Père, en tes mains je remets mon esprit. »

Je remercie tous ceux et celles qui consacrent du temps à visiter les malades et à être pour eux un signe efficace de la bonté et de la bienveillance de Dieu notre Père envers tous ceux qui souffrent.



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